Paris redoute un match France-Israël à "haut risque"
Par la rédaction de Middle East Eye, le 11 novembre 2024
Les autorités françaises s'inquiètent d'une réédition des violences d'Amsterdam, qui ont commencé après que des supporters du Maccabi Tel-Aviv ont provoqué des habitants de la ville.
La France s'apprête à accueillir l'équipe nationale de football d' Israël dans un match jugé "à haut risque" par les autorités après les violences de la semaine dernière à Amsterdam.
Des violences ont éclaté dans la capitale néerlandaise jeudi avant la défaite de cinq buts du Maccabi Tel Aviv face à l'Ajax.
Selon des habitants et la police néerlandaise, les supporters du Maccabi ont arraché des drapeaux palestiniens placés sur des bâtiments privés, menacé des habitants et jeté des projectiles sur des passants.
Ils ont également été filmés en train d'entonner des chants racistes anti-Arabes, entraînant une réaction de la population locale, notamment des membres de la communauté marocaine, au cours de laquelle des supporters du Maccabi ont été blessés, et au moins un d'entre eux a été contraint de se jeter dans un canal [et de crier "Free Palestine" pour pouvoir en sortir].
La police néerlandaise a signalé l'arrestation d'une soixantaine de personnes et Israël a organisé des vols d'urgence pour rapatrier ses citoyens.
Malgré les récits de témoins oculaires détaillant une série de provocations de la part des supporters du Maccabi, les médias et les politiciens occidentaux ont qualifié les événements de pogrom antisémite.
Dimanche, le président français Emmanuel Macron a annoncé qu'il assisterait à la rencontre de l'Uefa Nations League, prévue jeudi au Stade de France près de Paris, pour
"envoyer un message de fraternité et de solidarité après les actes antisémites intolérables qui ont suivi le match d'Amsterdam".
Vendredi, M. Macron a "fermement condamné" les "violences contre les citoyens israéliens à Amsterdam", qui auraient, selon lui, rappelé "les heures les plus honteuses de l'histoire".
Dans le même temps, le ministre de l'intérieur Bruno Retailleau a annoncé que le match prévu le 14 novembre ne serait pas délocalisé, après plusieurs appels à suivre l'exemple du match d'octobre entre les deux équipes, qui s'est déroulé à Budapest.
"Certains appellent à la délocalisation du match France-Israël. Je ne l'accepte pas : la France ne reculera pas, car cela reviendrait à baisser les bras face aux menaces de violence et d'antisémitisme", 𝕏 a posté M. Retailleau sur X.
Ni M. Macron ni M. Retailleau n'ont mentionné les chants racistes à l'encontre des Arabes, ni les violences commises par les supporters du Maccabi.
Mobilisation
La France a annoncé des mesures exceptionnelles pour assurer la sécurité du match à venir, avec la mobilisation de plus de 4 000 policiers et gendarmes.
Un tel déploiement correspond à un "dispositif extrêmement renforcé très inhabituel" pour un match international, a déclaré dimanche le préfet de police de Paris, Laurent Nunez.
Pour éviter toute intrusion sur le terrain, les premiers rangs des tribunes seront condamnés. Des unités de forces mobiles et des policiers en civil interviendront dans les tribunes, tandis que le Raid, l'unité d'élite de la police nationale, sera chargé de la sécurité de l'équipe israélienne.
Les drapeaux palestiniens seront également interdits dans le stade.
"Il n'y aura pas de drapeau palestinien au Stade de France. Il n'y aura que des drapeaux français ou israéliens, et des messages de soutien aux équipes", a déclaré M. Nunez."Dans les stades, les messages politiques sont interdits, c'est la loi", a-t-il ajouté.
Cette décision fait suite au déploiement d' une immense banderole portant l'inscription "Palestine libre" par des supporters du Paris Saint-Germain (PSG) mercredi dernier avant le match de Ligue des champions Uefa contre l'Atlético de Madrid.
Le ministre français de l'intérieur a condamné la présence de cette banderole, estimant que ce type d'affichage "n'a pas sa place dans les stades" et qu'il menace "l'unité" du sport.
Par ailleurs, le match entre la France et Israël a été dénoncé par des militants pro-palestiniens comme étant du "sportswashing".
Une pétition circule depuis plusieurs semaines pour appeler à l'annulation du match France-Israël et l'exclusion d'Israël de toutes les compétitions sportives internationales, dénonçant "le sportswashing des crimes contre l'humanité".
La Fifa a reporté à plusieurs reprises sa décision sur une demande de suspension de l'Union israélienne de football. La pétition accuse l'instance dirigeante du football mondial de faire deux poids deux mesures et d'être complice des crimes de guerre d'Israël.
"Bien que la Fifa ait sanctionné et sanctionne le non-respect de cet engagement [de protéger les droits de l'homme] par d'autres pays - l'Afrique du Sud de 1962 à 1992 en raison de sa politique d'apartheid et plus récemment la Russie et la Biélorussie suite à l'invasion de l'Ukraine - elle permet à Israël de bafouer le droit international humanitaire en toute impunité", peut-on lire dans la pétition.
L'appel à annuler le match a été relayé par certains députés français du parti de gauche La France insoumise (LFI), comme Manuel Bompard, qui a 𝕏 appelé à
"l'annulation du match France-Israël au regard des crimes commis par l'armée israélienne".
Sur les réseaux sociaux, certains internautes ont également dénoncé "un deux poids deux mesures" puisque les manifestations de soutien à d'autres causes, comme l'Ukraine après son invasion par la Russie, sont autorisées dans les enceintes sportives du pays.
Depuis qu'Israël a déclenché sa guerre dévastatrice contre Gaza l'année dernière, à la suite de l'attaque menée par le Hamas le 7 octobre, les militants français ont dénoncé la répression accrue des voix pro-palestiniennes, des centaines d'enquêtes ayant été ouvertes sur des commentaires sur le conflit israélo-palestinien sous le chef d'inculpation d'" apologie du terrorisme".
Plus récemment, M. Retailleau a annoncé samedi qu'il a engagé des poursuites judiciaires contre une parlementaire LFI, Marie Mesmeur, pour "apologie du crime" après qu'elle a écrit sur X qu'à Amsterdam, les hooligans israéliens
"n'ont pas été lynchés parce qu'ils sont Juifs, mais parce qu'ils sont racistes et qu'ils soutiennent un génocide."
Une faible participation attendue
Dans un contexte de craintes sécuritaires accrues et de contexte géopolitique tendu, l'affluence pour le match France-Israël de jeudi devrait être historiquement faible.
Entre 15 000 et 20 000 spectateurs sont attendus, soit la fréquentation la plus faible jamais enregistrée au Stade de France pour un match de l'équipe de France.
Certains ont attribué cette faible affluence aux appels au boycott du match.
Le député LFI Thomas Portes a écrit sur Facebook que
"le peuple français refuse de participer à cette opération de blanchiment d'un gouvernement qui commet un génocide par le biais du sport"."Le sport ne sera jamais neutre. Israël doit être ostracisé par les nations pour faire cesser le massacre programmé du peuple palestinien, et les compétitions sportives ne font pas exception", a-t-il ajouté.
Les préoccupations en matière de sécurité expliquent également le faible nombre de participants. Dimanche, les autorités israéliennes ont appelé les supporters à ne pas assister au match.
Les tensions à l'approche de l'événement sont d'autant plus fortes que le Betar, un groupe juif international de droite, a annoncé dimanche qu'il prévoit un rassemblement à Paris la veille du match pour lutter contre l'antisémitisme.
Le rassemblement aura lieu le même jour que le gala "Israël Forever", un événement de soutien à Israël organisé dans la capitale française par plusieurs personnalités d'extrême droite.
Des organisations non gouvernementales, des syndicats et des partis de gauche français ont 𝕏 dénoncé ce gala, car il réunira le ministre israélien d'extrême droite Bezalel Smotrich et l'avocate Nili Kupfer-Naouri, tous deux connus pour leurs appels au génocide dans la bande de Gaza.
Le tribunal administratif français a toutefois jugé samedi qu'il n'y avait aucune raison d'interdire le gala.
Pour justifier son refus d'annuler l'événement, le préfet de police a déclaré dimanche que le gala rassemble "à peine quelques centaines de personnes" et "a lieu tous les ans", précisant que le ministre israélien ne sera pas présent.
"Je crois savoir que finalement, il ne fera pas le déplacement", a-t-il déclaré.